11 mai 2011

Asrev-eciv / un poème de Huilo Ruales Hualca

 

Asrev-eciv

L’homme insuffla la solitude à la poussière et dieu naquit
depuis lors tout est vice-versa

L’abîme tombe dans le corps et vice-versa
L’arbre sème des oiseaux et vice-versa
Le chasseur est un sifflement dans l’œil du jaguar et vice-versa
Et vice-versa est la folie de l’incendie qui trouve enfin le repos dans la cendre

Tout est vice-versa
L’étape utérine, la calvitie, la montagne qui monte
la montagne qui descend, tout est vice-versa

L’habitude furieuse de se fuir soi-même
La grand-route où la parole de Kerouac découvrit la soif illimitée
le poète noir d’Artaud pendu comme une stalactite dans le ciel
tout est vice-versa

s’extirper les yeux avec les ongles et vice-versa.
s’arracher les ongles avec les dents et vice-versa.
tout est vice-versa, mettant du lilas sur les pommettes des gens
et faisant rouler leurs yeux sur l’asphalte. Vice-versa. 


Vice-versa est aussi proche, aussi coûteux, aussi naturel que l’amour et l’épouvante
Vice-versa n’est pas à vendre : on l’exproprie, on en hérite, on le contrefait
l’angoisse s’étend sur les marchés et vice-versa.
Les attraits de la pâtisserie augmentent avec l’anorexie et vice-versa.
tant de vice-versa ivre, bouche folle et démaquillée , tignasse comme le soleil
tyrannisant les rues.
vice-versa dans les lits ou vice-versa.
vice-versa dans les toilettes publiques où les araignées se régalent dans le jacuzzi.
vice-versa dans l’oubli qui érode l’histoire jusqu’à la vraisemblance.
Lacan est un lutin solitaire dans les bibliothèques des asiles.
Vice-versa.
Ses beaux enfants barbus comme des conquérants déambulent
par les commissures de l’incertitude, de la gloire, de la banque.
Tellement alter-egos, tellement entéléchies, ses n-enfants sans zyeux, ses zenfants sans hyeux. Vice-versa.
Antigone ne méritait ni le silence ni la mort
mais cela fut préférable au silence et à la mort. Heureuse nouvelle !
Caresses parmi les crochets et les masques de cuir sans orifices.
C’est la matrie de la fête et Vice-versa
et les culs des pucelles à cheval sur les nuages défèquent de la naphtaline en couleurs.
Hourra, dit Lezama Lima, les poètes entonnent Un hourra victorieux face à la mort. Vice-versa.
Foucault, en plus d’avoir froid, a tout à fait raison mais l’artefact est de la dynamite au paradis de la peur.
Dans l’Organisation Mondiale du Spleen.
La réalité est une somme de semelles vues d’en bas mais que l’on voit d’en haut, d’où l’on ne voit rien. Vice-versa.
Le langage castre, ment, salit, usine, standardise, évide.
Le langage tue.
Vice-versa tue.
La mort langagise.
Le vide nous langue.

Malcom Lowry boit avec la ferveur d’un suicidaire survivant qui a peur d’être éternel.
Derrière lui la ville des miroirs en forme de couteaux, de crucifix et de sexes à trois têtes se tétanise.
La ville où les morts se marient, sont heureux, se tuent, sont de plus en plus heureux, et finissent par se tuer.
Finissent par devenir d’heureux rongeurs atterrés, construisant avec leur propre humidité la ville souterraine. Vice-versa.
Spiderman, astre total sans estime de soi, s’enfuit sur les toits de la certitude, de l’incertitude, de la révélation contenue dans les mots mercuriels de Lamborghini.
Lamourghini ou la mort. Nous perdrons.
Et Vice-versa autant que Fiord qui consiste en Cela Ki Ne se Dit pas puisqu’Il n’y a Pas Moyen.
Le langage est une pierre sur notre tombeau vide. Vice-versa.
Pierre aveugle, magma, fossile du feu, éclair enroulé dans l’ombre du scorpion. Vice-versa.
Le langage est la jambe orthopédique du danseur sur glace.
Le langage est le sexe métallique pour la messe sodomite au-dessous de la glace
Le langage est  un squelette avec un téléphone collé à l’orifice de la tempe par où est entré le sifflement de la balle en fa dièse mineur. Vice-versa.

Le langage est la montagne qui aplatit les oiseaux
Le langage est la mémoire oubliée de la Mort
Le langage est le lait de la Mort dont les seins sont sucés jusqu’à la sénilité par les enfants du futur impératif
et de la planète de Vice-versa.
 



Huilo Ruales Hualca
traduit de l'espagnol (Équateur) par Aurelio Diaz Ronda extrait de l'anthologie "Poèmes noirs / Poemas negros" à paraître à l'enseigne du grand os en édition bilingue en novembre 2012.


Dessin de Diego de los Campos   




3 commentaires:

Anonyme a dit…

"Lamborghini.
Lamourghini ou la mort. Nous perdrons.
Et Vice-versa autant que Fiord qui consiste en Cela Ki Ne se Dit pas puisqu’Il n’y a Pas Moyen."
C'est quoi l'original en espagnol ?

Ari m'a offert recemment "Ahora o nunca" de Ricardo Zelarayán, pas mal du tout, du tout.

http://www.elortiba.org/zelarayan.html

Lire "la gran salina"
on y apprend que "tout bon franchute est uruguayen"...

http://www.taringa.net/posts/arte/1024653/Equot_La-Gran-SalinaEquot_-de-Ricardo-Zelarayan-_Poesia_.html

Le Grand Os a dit…

Le passage original en question :
"Spiderman, todo un astro sin autoestima, huye por los tejados de la certeza, de la incertidumbre, de la revelación contenida en las mercúricas palabras de Lamborghini.
Lamorghini o muerte. Perderemos.
Y Viceversa tanto como Fiord que consiste en Eso Ke No se Dice puesto que no Hay Kómo."

Je crois savoir que "Lamorghini" est une coquille heureuse qui finalement est restée…

Merci pour tous tes commentaires extrêmement pertinents, ça ne pouvait être que de toi… Je suis évidemment preneur de toute remarque et suggestion, tout ça est en travail…

Si ça t'intéresse, je t'envoie par mail le poème original en entier et d'autres.

Mes salutations cordiales à Ari y un gran abrazo trans-oceánico à tézigues.

CARLA BADILLO CORONADO a dit…

grande Huilo! Saludos desde Ecuador.