29 mars 2014

Quoi faire de P. Katchadjian / premières lignes en v.f.


Quoi faire par Valeria Pasina

" Alberto et moi donnons un cours dans une salle de classe d’une université anglaise lorsqu’un étudiant nous apostrophe sur un ton agressif : Lorsque les philosophes parlent, ce qu’ils disent est-il vrai, ou bien s’agit-il d’un double ? N’ayant pas compris la question, nous nous regardons, Alberto et moi, un peu nerveux. Alberto réagit le premier : il s’avance et lui répond qu’il est impossible de le savoir. L’étudiant, mécontent de la réponse, se lève : il mesure deux mètres et demi. Puis il s’approche d’Alberto, l’attrape par le col et commence à l’ingurgiter. Les étudiants et moi, quoique parfaitement conscients du danger, nous nous mettons à rire, tandis qu’à demi plongé dans la bouche de l’étudiant, Alberto, riant lui aussi, dit : Ça va, ça va. Après ça, nous nous retrouvons dans un square. Un vieux est en train de donner à manger à une dizaine de pigeons. Alberto s’approche de lui, mais un pressentiment me pousse à l’en dissuader ; toutefois, pour une raison ou pour une autre, je ne peux rien faire. Avant qu’Alberto ait pu l’atteindre, le vieux se transforme, d’une certaine manière, en pigeon et tente de s’envoler, sans succès. Alberto lui place des attelles sur les ailes et lui annonce qu’il sera vite guéri, son problème étant tout à fait banal. Le vieux a l’air content. Nous nous retrouvons ensuite dans les toilettes d’une discothèque. Pour une raison que j’ignore, nous sommes dans les toilettes des femmes. Entrent alors cinq très belles filles apprêtées, tout en sueur tellement elles ont dansé. L’une d’elles semble particulièrement ivre ou droguée. Alberto, mal intentionné, se rue sur elle. D’après ce que je vois, elle se laisse faire, bien qu’on ait du mal à comprendre ce que veut Alberto, puisqu’il se contente de se trémousser contre elle comme si son corps le démangeait ; elle, de son côté, fait la même chose, ce qui donne l’impression qu’ils se grattent mutuellement. Les quatre autres filles s’approchent de moi et tous les cinq nous nous mettons soudain à faire quelque chose d’incompréhensible. C’est comme si la scène était censurée. Je remarque alors que les filles sont vieilles, tout en entendant Alberto parler de Léon Bloy à la plus éméchée. Il lui explique que celui-ci voulait être un saint et qu'il souffrait de ne pas y arriver. Il lui décrit la scène où Véronique s’arrache toutes les dents, et bien qu’Alberto ne fasse aucun mouvement il donne l’impression de vouloir arracher les dents de la fille. Je l’attrape par la capuche de son blouson et le traîne hors des toilettes. On dirait qu’Alberto est en chiffon, il est tout léger. (…) "

Extrait de Quoi faire de Pablo Katchadjian  
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Mikaël Gómez Guthart et Aurelio Diaz Ronda 

À paraître en avril 2014 aux éditions Le grand os dans la nouvelle collection poc ! (fictions nocturnes & proses hypnagogiques)

Lire l'extrait en version originale.

23 mars 2014

Qué hacer / revue de presse argentine


Quoi faire par Noémie Merono

À quelques semaines de la parution de Quoi faire, traduction française de Qué hacer, roman de l'Argentin Pablo Katchadjian, voici des extraits de chroniques consacrées au livre par quelques critiques littéraires argentins, au premier rang desquels l'écrivain Damián Tabarovsky, que les lecteurs français connaissent. Nous les donnons traduits en français. On pourra lire les articles complets en espagnol en cliquant sur les liens.

Qué hacer de Pablo Katchadjian. Buenos Aires : Editorial Bajo la Luna, 2010.
 

"Si le livre regorge de talent, si par moments il frise le génie, s’il produit un effet de lecture grâce auquel bonne partie de la littérature argentine contemporaine cesse sur-le-champ d’être intéressante pour paraître compassée, conventionnelle et pratiquement inutile, c’est parce que Qué hacer ne verse pas dans le non sens, au contraire : c’est le grand roman contemporain de l’expansion, du foisonnement, de la mutation du sens. Les deux personnages principaux sautent d’une scène à l’autre grâce à une série de coupures imprévisibles, revenant sans cesse sur les mêmes lieux, selon la dialectique de la différence et de la répétition, de l’autre et du même, comme une façon, non pas d’abolir, mais à l’inverse de pousser à l’extrême la question du sens."
Damián Tabarovsky, in « La novela del sentido » Perfil.com, 10 octobre 2010
http://www.perfil.com/contenidos/2010/10/10/noticia_0007.html

"Premièrement, les procédés littéraires principaux de
Qué hacer sont l’association, la variation et la condensation : bateaux qui en même temps sont des universités, momies qui se transforment en vieux chiffons, etc. Deuxièmement, la structure des chapitres n’obéit pas au déroulement de l’intrigue, mais imite directement le fonctionnement onirique : outre les répétitions et les déplacements, les personnages raisonnent comme dans les rêves, ils ont des certitudes inexplicables face à la situation à laquelle ils sont confrontés, ils changent de lieu à chaque instant et vont même jusqu’à subir des moments de censure. Troisièmement, le récit va à toute vitesse, comme s'il était urgent de rendre compte du moindre détail du rêve avant qu’il ne sombre dans l’oubli, en ignorant, comme il se doit, la logique causale de l'état de veille. Quatrièmement, la combinaison formelle reproduit efficacement deux figures obligées du surréalisme : le mystère et l’humour."
Damián Selci, in Los Inrocks libros, 13 décembre 2010
http://inrockslibros.wordpress.com/2010/12/13/pablo-katchadjian-que-hacer/ 
  
"Pablo Katchadjian est l’un des auteurs les plus intéressants de la littérature argentine contemporaine. On peut même dire qu’il est un des jeunes auteurs les plus intéressants, mais c’est sans importance. Ce n’est pas tant la jeunesse qui caractérise l’écriture de Katchadjian que sa nouveauté, en ceci qu’elle parvient avec aisance à déployer un air d’inédit si tant est que la littérature puisse se renouveler. Qué hacer est son chef d’oeuvre. Et même un chef d’oeuvre tout court. On conviendra parfaitement que cette affirmation puisse paraître hâtive ; l’auteur, étant donné son jeune âge et ses prédispositions, continuera certainement d’écrire et ses futurs romans atteindront probablement le niveau de Qué hacer. Un texte ne se hisse pas au rang de chef d’œuvre par simple comparaison : le chef d’œuvre est un absolu, et Qué hacer ne déroge pas à la règle (il s’agit, dans son cas, d’un chef d’œuvre contemporain puisqu’il questionne l’idée même de chef d’œuvre)." 
Damián Tabarovsky in Perfil.com, 04 février 2012
http://www.perfil.com/ediciones/columnistas/-20122-648-0022.html


D'autres notes de lecture :


L'illustration en tête de cet article est l'œuvre de Noémie Merono, qui nous livre ici sa lecture toute personnelle du roman (cliquez sur l'image pour l'agrandir). Le grand os aura l'occasion de revenir sur cette artiste toulousaine que nous apprécions beaucoup. En attendant, nous recommandons vivement la visite de son blog : http://noemiemerono.blogspot.fr/

16 mars 2014

Quoi faire / extrait en v.o.


Pour les lecteurs hispanophones, voici le début, en version originale, de Qué hacer, le roman de l'Argentin Pablo Katchadjian que Le grand os publiera le mois prochain dans une traduction française concoctée par Mikaël Goméz Guthart et Aurelio Diaz Ronda sous le titre Quoi faire. Avec l'aimable autorisation des éditions Bajo La Luna.
Que les lecteurs francophones imperméables à la langue de Borges et de Cortázar veuillent bien patienter quelques jours : nous mettrons en ligne très prochainement le même extrait en version française (À lire en cliquant sur ce lien).

" Estamos Alberto y yo enseñando en un aula de una universidad inglesa cuando un alumno, con tono agresivo, nos pregunta: cuando los filósofos hablan, ¿lo que dicen es cierto o se trata de un doble? Alberto y yo nos miramos, un poco nerviosos por no haber entendido la pregunta. Alberto reacciona primero: se adelanta y le responde que eso no se puede saber. El alumno, descontento con la respuesta, se pone de pie (mide dos metros y medio de altura), se acerca a Alberto, lo agarra y empieza a metérselo en la boca. Pero aunque esto parece peligroso, no sólo los alumnos y yo nos reímos sino que Alberto, con medio cuerpo adentro de la boca del alumno, se ríe y dice: está bien, está bien. Después Alberto y yo aparecemos en una plaza. Un viejo le está dando de comer a un grupo de unas diez palomas. Alberto se acerca al viejo y yo presiento algo y quiero detenerlo, pero por algún motivo no puedo. Antes de que Alberto llegue al viejo, el viejo, de alguna manera, pasa a ser una paloma y trata de volar, pero no puede. Alberto le entablilla las alas y le dice que se va a curar muy pronto, que su problema es muy normal. El viejo parece contento. Después aparecemos en un baño de una discoteca. Por algún motivo, estamos en el baño de mujeres. Entra un grupo de cinco chicas muy lindas y arregladas, transpiradas de tanto bailar. A una de ellas, que parece estar muy borracha o drogada, Alberto se le acerca con intenciones y se le tira encima; por lo que veo, ella le deja hacer lo que él quiere, aunque no se entiende qué quiere él, porque sólo se refriega contra ella como si le picara el cuerpo; ella responde del mismo modo, por lo que parece que se estuvieran rascando mutuamente. Las otras cuatro se acercan a mí y de repente estamos los cinco haciendo algo que no se entiende. Es como si la escena estuviese censurada. Entonces noto que las chicas son viejas, a la vez que oigo que Alberto le habla a la borracha sobre León Bloy. Le dice que quería ser santo y que sufría porque no podía. Le cuenta la escena en la que Verónica se arranca todos los dientes, y, aunque Alberto está quieto, parece como si quisiera arrancarle los dientes a la chica. Lo agarro de la capucha de su campera y lo arrastro afuera del baño. Alberto parece hecho de trapo, es muy liviano. (…) "
Extrait de Qué hacer de Pablo Katchadjian. Buenos Aires : Editorial Bajo la Luna, 2010. Colección buenos y breves.

14 mars 2014

Des nouvelles du Citron… (4)


Karine Marco

Périne Pichon met son grain de sel dans l'affaire du Citron métabolique. Sa libre critique du livre vert de Laurent Albarracin est parue dans les News du dimanche 9 mars sur le site Libr-critique-la-littérature-dans-toutes-ses-formes. Extrait et lien vers l'article à continuation : 
" Un mode sous-tension, entre le possible et l’inexistant, pour décrire un monde aux allures de promesse. On est suspendu au « presque », piqué par l’acidité de l’agrume. Et par les jeux de langage du poète qui dessine un univers sphérique, où les extrémités se touchent et le peu devient « [ ...] l’ombre / du beaucoup ». Partis du jeu des sons, les mots se rapprochent : « côtelé » et « cauteleux » ; « oscillation », « vieille scie du monde », et fournissent l’illusion d’une similitude tronquée. Les lettres sont toujours les mêmes, pourtant les noms changent. Ce processus familier devient étrange quand il part d’un zeste d’agrume. " P. Pichon
Lire l'article complet sur Libr-critique

Laurent Albarracin. Le Citron métabolique. Le Grand os, 2013. 
 

4 mars 2014

"Qué hacer" de Pablo Katchadjian


Le Grand Os est heureux d'inscrire pour la première fois à son catalogue un roman : "Quoi faire" de l'Argentin Pablo Katchadjian, traduit de l'espagnol par Mikaël Gómez Guthart et Aurelio Diaz Ronda, paraîtra bientôt dans une nouvelle collection consacrée à la fiction.

Initialement publié en langue originale par les éditions Bajo la luna (Buenos Aires, 2010) sous le titre Qué hacer, Quoi faire est bien entendu un roman d'un genre un peu particulier – on en donnera très bientôt un extrait pour en témoigner. 

L'initiative de sa traduction et de son édition en français revient à Mikaël Gómez Guthart, traducteur franco-espagnol résidant lui-même depuis quelques temps dans la capitale de la République argentine. 

En attendant la parution prochaine de ce petit livre à la fois fort raisonnable et fort dément – fort, tout court, en plus d'être drôle – nous donnons à lire ci-dessous, traduit en français, le texte de la quatrième de couverture de l'édition originale. 



Qué hacer de Pablo Katchadjian. Buenos Aires : Bajo la luna, 2010.
Face à la nécessité de prendre une décision imminente, Alberto et le narrateur sont placés devant une alternative : une question insoluble posée par un étudiant géant d'une université anglaise déclenche une série d'options s'ouvrant en éventail à la manière de sentiers qui bifurquent. Et de même s'ouvrent en éventail les chemins des deux protagonistes.
Le pari de Katchadjian dans Qué hacer est captieux. D'un certain côté, le lecteur trouvera tous les éléments qui pourraient le laisser supposer qu'il a un roman entre les mains. Et, effectivement, c'est un roman. Ici pourtant les éléments constitutifs du genre sont tous au service de la langue et d'un ordre narratif particulier : l'intrigue n'est pas linéaire, elle avance en proposant des croisements, des cercles, des fréquences de longueur d'onde variable qui, à l'image du courant alternatif, se rapprochent et s'éloignent de leur axe d'origine ; les personnages - élèves, soldats, simples d'esprit, buveurs - se transforment et mutent en systèmes aberrants ; les lieux - universités, tranchées, tavernes, bateaux, sources - se substituent les uns aux autres tout en continuant à soutenir la structure.
À l'occasion d'un des nombreux retours à la scène initiale, nous pourrions découvrir certains indices à propos de la logique de ce système : Si les contenus sont irrationnels puisqu'on ne sait pas d'où ils émergent, dit le narrateur, le système des contenus est la seule chose rationnelle qui existe et nous devrions compter là-dessus.
(Texte de la quatrième de couverture de l'édition argentine)
 
 
Pablo Katchadjian est né en 1977 à Buenos Aires, en Argentine, où il réside. Il a publié des livres de poésie et de fiction, parmi lesquels Gracias (Blatt & Ríos, 2011) et La libertad total (Bajo la luna, 2013). Quoi faire (Qué hacer) est son premier ouvrage traduit en français. 


 

Quoi faire de Pablo Katchadjian. 
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Mikaël Gómez Guthart et Aurelio Diaz Ronda.
À paraître aux éditions Le grand os en avril 2014. 

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